Nos consultations tant en libéral qu’en institution ne désemplissent pas depuis quelques semaines.
Travaillant en psychiatrie, j’observe chaque semaine des hommes et des femmes bataillant avec leurs forces de vie et de mort.
Plus qu’observer, j’essaie d’aider, la tâche est parfois immense tant l’espoir a déserté certains corps et esprits.
Je m’efforce alors d’être porteuse d’eau et d’espoir. Eau comme métaphore du féminin qui écoute, réconforte et apaise.
Et espoir car c’est bien là que la lutte se joue parfois.
Ces années auprès de patients aux parcours longs et chaotiques m’apprennent à quel point la pulsion de vie peut être précaire face à des trajectoires de souffrance telles que la personne ne peut les narrer.
Les récidives suicidaires et les passages à l’acte d’autodestruction répétés sur des années viennent ainsi me questionner sur la place qu’est la nôtre, soignants, dans ces prises en charge éprouvantes.
Comment continuer à porter l’espoir dans la durée pour celui qui n’en a plus et ne désire plus que mourir ?
Et que faire quand l’équipe s’épuise aussi ?
Que le contexte de mal-être grandissant et de protocoles ubuesques grignote nos réserves.
Que la comédie noire en cours, par sa force hypnotique, nous détache de la joie du présent pour nous engluer dans la peur et l’incertitude pour certains, dans l’isolement et la perte de sens pour d’autres.

Nos consultations tant en libéral qu’en institution ne désemplissent pas depuis quelques semaines.
Travaillant en psychiatrie, j’observe chaque semaine des hommes et des femmes bataillant avec leurs forces de vie et de mort.
Plus qu’observer, j’essaie d’aider, la tâche est parfois immense tant l’espoir a déserté certains corps et esprits.
Je m’efforce alors d’être porteuse d’eau et d’espoir.
Eau comme métaphore du féminin qui écoute, réconforte et apaise.
Et espoir car c’est bien là que la lutte se joue parfois.
Ces années auprès de patients aux parcours longs et chaotiques m’apprennent à quel point la pulsion de vie peut être précaire face à des trajectoires de souffrance telles que la personne ne peut les narrer.
Les récidives suicidaires et les passages à l’acte d’autodestruction répétés sur des années viennent ainsi me questionner sur la place qu’est la nôtre, soignants, dans ces prises en charge éprouvantes.
Comment continuer à porter l’espoir dans la durée pour celui qui n’en a plus et ne désire plus que mourir ?
Et que faire quand l’équipe s’épuise aussi ? Que le contexte de mal-être grandissant et de protocoles ubuesques grignote nos réserves.
Que la comédie noire en cours, par sa force hypnotique, nous détache de la joie du présent pour nous engluer dans la peur et l’incertitude pour certains, dans l’isolement et la perte de sens pour d’autres.

Soigner en tant de crise. Soigner la crise. Soigner nos crises.

Ces questions je me les pose beaucoup ces derniers mois. Mes journées à l’hôpital se succèdent et ne se ressemblent pas, comme les vôtres dans vos bureaux de ville ou d’institution je suppose.

Jamais je n’ai autant senti l’intensité du moment présent.
Certains jours il est froid, sec, plombant, désespérant même, comme les mots rêches de la relève annonçant la énième rechute de Ana, patiente hospitalisée aux urgences la veille de l’entretien que j’avais avec elle.
Entretien qui portait jusqu’à cet instant l’espoir, car demandé par Ana elle-même via un texto maladroit après des mois de rupture du lien thérapeutique.
D’autres jours le présent est riche, lumineux et texturé façon velours.

Quand quelques jours après sa tentative de suicide, je vois ainsi Ana dans mon bureau et nous échangeons sur les raisons qui pourraient expliquer qu’elle soit toujours en vie malgré les doses ingérées et l’état de son corps. « Tout simplement pas l’heure… encore des choses à faire ici-bas… mandat d’incarnation… du sens dans le non-sens… ». Ces instants qui empruntent bien davantage à la philosophie et à la spiritualité qu’à la basique psychologie sont le sel de mes journées de soignante. C’est aussi le condiment qui soigne mes propres crises de sens.

Rester ancré(e) dans la réalité, si morbide qu’elle soit, tout autant que dans l’autre réalité, celle de l’espoir et de la mise en sens des faits. Personnellement c’est la voie que je m’efforce d’emprunter pour traverser cette période qui nous touche tous, sans exception, même derrière les voiles de la dissociation.

Garder les yeux ouverts sur la détresse de nos patients, et parfois même de nos proches, enfants inclus, ne pas céder à la tentation de regarder ailleurs ou de minimiser, ne sont pas choses aisées. Dénoncer cette réalité et ses origines l’est encore moins, le courage devient alors la vertu de ceux et celles qui luttent pour la sortie du labyrinthe hypnotique. Mais le véritable défi est ailleurs. Il est dans notre capacité à conserver, envers et contre tout broyage des masses, notre espoir pour nous-mêmes et les autres, y compris pour ceux qui comme Ana souffrent de multiples couches traumatiques dont celle du contexte actuel est finalement la plus fine.

Alors comment préserver nos réservoirs personnels d’espoir ?

Personnellement, sans ouverture spirituelle, point de combat, ko en 1 round.

Sans lien de cœur et d’authenticité avec ceux qui nous entourent au quotidien, pareil, point de combat. Au-delà des liens personnels qui sont nos fondations, je pense aux relations à nos pairs, à nos collègues. Je remercie la vie de m’avoir offert de travailler dans une équipe soudée et bienveillante qui respecte la différence, en l’occurrence mes opinions et positionnements singuliers et parfois radicalement opposés, et nourrit ainsi mon espoir en une société aux facettes multiples et complémentaires. La force d’appartenir aussi à des collectifs, de soignants notamment comme Conscience Santé Liberté, donne le carburant nécessaire pour rebondir dans les moments où l’obscur du quotidien est pesant, pour retrouver le sens du non-sens et se rappeler les vertus de la patience.

Enfin tourner le regard vers soi-même, s’observer grandir depuis un an, ne plus se reconnaître même, et constater avec le sourire que certaines parties anciennement blessées se sont réparées par l’intensité du présent qui priorise l’essentiel et nous donne une force insoupçonnée il y a encore quelques mois.

Amis porteurs d’eau et d’espoir, continuons à choyer nos liens pour récolter les graines d’enseignement et de croissance de cette aventure.

Gwenaelle