Avez-vous déjà croisé ces mots d’Ambroise Paré, chirurgien de la Renaissance : « Je soigne, Dieu guérit » ?

NB : En France, toute phrase incluant Dieu, Jésus ou ses anges est immédiatement suspecte. Le dogme de la laïcité, comme tout extrême, fait toujours des dommages… hélas… J’apprécie à cet endroit l’ouverture au plus vaste des anglosaxons. Bref. Remplaçons un instant Dieu par « les forces de la vie » ou « l’énergie du vivant » et reprenons le propos. 😉

Il est question ici du processus à l’œuvre dans le chemin thérapeutique et de ses déterminants. Grand sujet !

Dans mon travail, en individuel mais surtout en groupe, on me renvoie souvent que j’accorde une grande confiance dans le processus à l’œuvre pour chacun(e). Concrètement, en effet, je tâche de ne pas surcharger l’espace de mots et d’explications, qui ne sont souvent que poids énergétique, je privilégie les outils corporels, surtout ceux induisant des états élargis de conscience, et surtout je laisse les personnes traverser ce qui a besoin de l’être, par exemple des tremblements, de la détresse ou d’autres inconforts physiques ou psychiques, n’intervenant que lorsque mon propre guide intérieur m’y incite.

Le psychiatre Stanislav Grof évoque le « guérisseur intérieur » pour désigner la force qui réside en chacun et qui sait ce qui est bon pour nous. Selon lui, le thérapeute n’est qu’un facilitateur au service de cette puissance du vivant. Il n’est là que pour écarter ce qui empêche celle-ci de s’actualiser : les croyances et les défenses, que je préfère appeler protections. Ces entraves sont liées au manque d’amour, aux blessures d’attachement, au « défaut fondamental » (Balint), et pourraient se résumer à ce seul bloc, si destructeur : « Je ne suis pas aimable ». En tant que thérapeutes, par notre présence suffisamment bonne, nous faisons fondre ce bloc, peu à peu, séance après séance, sur des années si nécessaire. C’est là le cœur de notre travail. Bien sûr, il y a d’autres choses à faire (recadrer les pensées, favoriser la plus petite action possible, réguler les émotions…), mais la réparation fondamentale est ici : offrir une expérience relationnelle correctrice d’amour à celui ou à celle qui sollicite notre aide.

Cette matrice de base étant posée, le processus de guérison inhérent à la personne peut se déployer. « Dieu guérit ».

Se sentant digne d’amour, la personne reconnecte à son vrai Self. Les émotions s’apaisent, les pensées se font plus nettes, les actions plus précises et concrètes. Son guérisseur intérieur est à l’œuvre, car le thérapeute l’a reconnu et lui fait confiance.

Seulement, parfois, pris par nos parts anxieuses et sauveuses, nous en faisons trop et cela nuit au processus. Il peut nous arriver de projeter sur l’autre nos propres incapacités à traverser un état douloureux et ainsi faire cesser prématurément une Gestalt en cours de résolution, par exemple en intervenant trop tôt dans un exercice corporel. Nous pouvons aussi mal supporter les mouvements transférentiels négatifs du patient et empêcher, par réaction défensive, l’expression cathartique d’une vieille couche profonde, la colère notamment. A d’autres moments, nous déployons une énergie inversement proportionnelle à celle que met le patient dans le suivi. Moins celui-ci parle, plus nous nous agitons et remplissons le vide. Ou, à l’inverse, nous nous laissons envahir par un patient agité, logorrhéique et brassant l’air, notre axe vacille et l’enlisement mutuel est proche.

Alors, dans ces instants de perte d’ancrage, rappelons-nous que la bonne énergie est celle de la danse. Une danse fluide et souple entre deux partenaires. L’un (thérapeute) emmène certes l’autre (patient), car il est passé par là et connaît ces espaces, mais l’énergie de fond sans laquelle rien ne se fait est celle du patient. Cette dernière évolue en permanence, nourrie par les strates invisibles de l’inconscient et celles plus visibles du mental, et exige ainsi de nous, soignants, à la fois un ancrage dans l’ici-et-maintenant et un lâcher-prise dans la confiance pour le processus en cours.

Pas toujours facile toutefois de rester dans cette posture ferme et ouverte, quand la personne semble patiner dans la souffrance, se montre exigeante de résultats ou encore se dérobe par un évitement caractérisé. C’est là où la parole d’Ambroise Paré m’est personnellement précieuse. Je la réactive alors dans ma mémoire et me réancre ainsi à cette vision que j’ai toujours eue de l’humain : celle d’un être incarné ici-bas pour manifester le divin qui est en lui, c’est-à-dire l’amour. Les épreuves de la vie ne sont là que pour nous permettre de grandir et d’atteindre ce but. Nous sommes donc aidés pour cela, par Dieu, l’énergie universelle ou les forces de la nature, choisissez le mot qui convient.

Plus je chemine, en tant que thérapeute et en tant qu’humaine, plus cette pensée-vibration grandit en moi et me soutient dans mes accompagnements. Quelle légèreté elle m’apporte ! 😊 De plus en plus souvent, je me surprends à démarrer un stage, une consultation ou toute autre intervention en me rappelant cette pensée, qui devient ainsi réalité : « Je soigne, Dieu guérit… j’ai juste à être là, je serai aidée pour aider, quoi qu’il arrive ».

En nourrissant cette confiance, nous gagnons, de surcroît, un bonus qui accroit l’efficacité, si j’ose dire, de ce processus : la gratitude. En remerciant les forces en action, le guérisseur intérieur du patient et celles plus subtiles autour de lui, nous leur donnons plus d’espace et plus d’énergie pour se déployer. Et, au passage, nous prenons soin de nous, car la gratitude est un merveilleux vecteur d’instants de bonheur authentique.

Alors merci à tout ce qui est, le mauvais et le bon, dans ce que nos pratiques d’accompagnement nous amènent et nous font vivre. Merci aux énergies de vie qui pulsent en-dessous.

Gwenaelle

pour OYA Formations