Palimpseste. Connaissez-vous ce mot peu évident à prononcer ?
Il s’agit d’un manuscrit constitué d’un parchemin déjà utilisé dont on a effacé la première écriture, en général en grattant, pour y écrire de nouveau. Le premier texte reste souvent visible, par transparence, mais une nouvelle histoire prend place sur le papier.
N’est-ce pas là ce que l’on fait lors d’un processus thérapeutique réussi ? Lorsque nous apaisons la charge émotionnelle des blessures et traumatismes de notre passé et que nous réimprimons « dessus » de nouvelles écritures énergétiques, faites d’émotions et de pensées positives.
C’est là le grand apport des thérapies psychocorporelles permettant des régressions profondes, où le patient peut recontacter pleinement le vécu douloureux de l’époque pour, non pas s’y noyer à nouveau, mais pour le traverser et le transformer en ressenti différent, constructif, ainsi porteur pour le présent et le futur.
Je pense en particulier aux techniques de reparentage de nos parties blessées que l’on utilise en EMDR* ou en EFT** avancé (technique mêlant EFT et hypnose) et qui se font en plusieurs étapes. Grâce à ces outils qui permettent de diminuer les défenses du mental, le thérapeute aide d’abord le patient à descendre dans ses profondeurs psychiques, à la rencontre d’un souvenir traumatique plus ou moins refoulé par exemple. L’objectif est de rencontrer en visualisation une part de soi blessée, souvent l’enfant que la personne a été, seul et impuissant face à une réalité trop difficile. Puis, le thérapeute soutient son patient dans la traversée de l’émotion, qui n’avait pas pu être pleinement vécue à l’époque, et ce jusqu’à que la décharge émotionnelle ait lieu et qu’un premier niveau d’apaisement soit atteint. Enfin, et c’est là où la transformation véritable a lieu, le patient est amené à visualiser et ressentir des ressources intérieures venant en aide à la part blessée dans la scène : par exemple une figure d’attachement sécure, une force de la nature, un allié spirituel, ou encore le patient adulte d’aujourd’hui, plus fort et plus sage.
Procéder ainsi et pouvoir aller jusqu’à ressentir des émotions opposées aux éprouvés éprouvants originels, c’est-à-dire un vécu de libération, de courage retrouvé, de fierté, d’amour ou encore de paix et de sérénité, amène à une réimpression de positif sur ce qui était précédemment négatif. L’histoire réelle, comme sur un palimpseste, ne disparait pas de la mémoire, mais elle est perçue désormais différemment et ne provoque plus les mêmes émotions et cognitions lorsque la personne y repense. Souvent les patients disent qu’ils revoient la scène mais que celle-ci n’est plus la même émotionnellement : plus neutre, à distance, apaisée.
Le bénéfice à long terme de ces réimpressions sur des événements traumatiques du passé est le suivant : de séance en séance, le patient revisite son histoire sous une perspective différente, non plus comme une victime des faits, mais comme un être doté de ressources fortes et puissantes. Cela guérit progressivement les blessures narcissiques et relationnelles, et restaure la confiance en soi, en l’autre et dans le monde.
En langage attachmentiste, nous parlons de modification des modèles internes opérants pour désigner ces changements en profondeur des patterns de pensées, d’émotions et de comportements, et d’attachement sécure acquis pour nommer ce nouvel état psychique.
Nous avons la chance d’avoir accès aujourd’hui à ces approches qui vont bien plus loin que les débuts de la psychologie, où l’on croyait que raconter ce qui avait été douloureux et tournicoter autour, par la parole et l’interprétation associée, ce parfois pendant des années, était le mieux que l’on pouvait faire pour guérir de nos névroses. D’ailleurs, nous savons désormais, grâce aux neurosciences, que verbaliser à l’excès, et surtout sans stabilisation physiologique préalable, peut même dans certains cas retraumatiser la personne. Que d’avancées dans notre domaine !
Bien sûr, que ce soit du côté du patient mais parfois aussi du côté du thérapeute, ce chemin n’est pas une petite balade de santé tranquille. Il y a des obstacles : en premier lieu la dissociation du patient, mais aussi la fragilité de l’alliance thérapeutique, le manque de temps disponible, parfois les capacités cognitives réduites du patient, l’environnement social toxique dans lequel celui-ci évolue, etc…
Rappelons-nous alors un principe fondamental de la relation d’aide : « Pour avancer vite, allons-y doucement », et cultivons l’art du « petit pas » et la foi dans les capacités de guérison de chacun.
Gwenaelle
pour OYA Formations
*EMDR : Eye Movement Desensitization and Reprocessing ou Désensibilisation et retraitement par les mouvements oculaires.
**EFT : Emotional Freedom Techniques ou Techniques de libération émotionnelle